QUELQUES CORTINAlRES        « IDENTIFIABLES »

 

 

 

 

L'article précédent  « Les cortinaires : une jungle inextricable » soulignait combien ce genre était complexe et difficile et combien mettre un nom sur de nombreuses espèces était une entreprise hasardeuse. J'avais aussi signalé qu'un certain nombre de cortinaires pouvaient être identifiés sans équivoque ni difficulté sur le terrain Ce sont ces cortinaires identifiables qui seront le sujet de mon propos. Certes, ils ne représentent qu'une bien petite partie de ce genre pléthorique mais vous les rencontrerez très fréquemment car ils sont communs pour la plupart, alors autant savoir les nommer. Pour chacun d'eux, nous ne ferons pas une description exhaustive du champignon mais nous nous contenterons de donner le ou les caractères spécifiques permettant de le reconnaître. Nous les classerons par sous-espèces, ce qui nous donnera l'occasion de définir brièvement chacune d'entre elles.

 

Dans le sous-genre Myxacium qui rassemble les cortinaires à chapeau et pied visqueux par temps humide, nous avons :

 

Cortinarius trivialis(cortinaire trivial): on le reconnaït à son pied qui porte une série de bracelets visqueux, en relief et plus ou moins anastomosés, brunâtres sur fond pâle. Le chapeau est de couleur terne, brunâtre à brun sale. On le trouve assez communément sous feuillus.

 

Cortinarius mucosus (cortinaire muqueux) : on le reconnaît à son chapeau d'un beau fauve-orange, brun­rouge à orangé souvent vif et à son pied entièrement blanc. Il pousse exclusivement sous les conifères, surtout sous les pins à deux aiguilles où il est assez commun.

 

Cortinarius elatior (cortinaire élevé) c'est une grande espèce, élégante et élancée reconnaissable à son chapeau brun olivâtre à ochracé, fortement ridé radialement jusqu'à mi-rayon, à son pied long et fusiforme, plus ou moins teinté de violacé et à ses lames remarquables par de fortes veines sur les faces comme sur les sinus. Il pousse sous feuillus notamment sous hêtres où il est commun. Ce serait un bon comestible.

 

Dans le sous-genre Phiegmacium qui rassemble les cortinaires dont seul le chapeau est visqueux, nous avons :

 

Cortinarius infractus (cortinaire à marge brisée) : cette espèce se reconnaît surtout à sa teinte sombre généralisée, surtout au niveau des lames qui sont brun sale olivâtre voire brun-noir à olivâtre. Le chapeau est brun foncé, plus ou moins olivâtre. Sa chair est amère. Ce cortinaire pousse sous feuillus et sous conifères.

Cortinarius praestans (cortinaire remarquable) : Sa taille permet de bien reconnaître cette espèce. Le champignon est énorme, puissant. C'est le plus gros des cortinaires et l'un des plus majestueux champignons à lames (diamètre du chapeau de 15 à 25 cm.). Le chapeau, brun violacé à gris purpurin ou chocolat, a une marge enroulée et typiquement ridée-cannelée. Le pied est puissant et blanc. On le trouve sous feuillus. L'espèce n'est pas très courante. C'est un bon comestible.

 

Dans le sous-genre Bulbopodium qui rassemble les cortinaires à bulbe marginée (c'est-à-dire dont la base du pied est brusquement renflée avec un rebord net), nous avons :

 

Cortinarius rufoolivaceus (cortinaire roux et olivacé) : ce cortinaire n'est pas très commun mais si vous le rencontrez, vous serez frappé par la belle couleur purpurine ou carminée de son chapeau qui contraste avec les lames olive vif (d'où son nom). Le bulbe du pied est teinté de rougeâtre. Il pousse sous feuillus.

 

Cortinarius purpurascens (cortinaire purpurescent) : on le reconnaît à ses lames lilacines qui se colorent de violet sombre au froissement, comme le pied. Tout le champignon montre d'ailleurs des nuances violettes. Le chapeau est vergeté (c'est-à-dire qu'il présente de fines fibrilles radiales innées qui font partie intégrante de la cuticule dont on ne peut les séparer) et la chair se teinte lentement de violet au contact de l'air. Il pousse sous feuillus et conifères. L'espèce est commune.

 

Dans le sous-genre Lephrocybe qui rassemble des cortinaires dont le revêtement du chapeau est sec, velouté, sub-laineux ou écailleux et de couleur jaune, verdâtre, orangé, fauve ou ocre, nous avons :

 

Cortinarius orellanus (cortinaire des montagnes, cortinaire couleurde rocou) : cette espèce est peu commune mais elle mérite d'être connue car elle est mortelle. On l'identifie à la couleur intense et flamboyante de son chapeau rouge orangé, ocre, lumineux, brillant. Le pied est jaune orangé chatoyant. Les lames sont fauve orangé. Cette espèce pousse sous feuillus mais on la trouve aussi sous conifères. Elle semble être de plus en plus courante. Une toxine détruit les reins. A noter plusieurs espèces très proches et très ressemblantes, toutes mortelles.

 

Cortinarius bolaris (cortinaire couleur d'argile rouge, cortinaire teint en rouge) : on reconnaît ce cortinaire à son chapeau spectaculairement recouvert de squames rouge cinabre serrées sur fond clair. Le pied est chiné de squames de même couleur. Sa proximité avec l'espèce précédente le rend pour le moins suspect. Assez commun sous feuillus.

 

Dans le sous-genre Dermocybe qui rassemble des cortinaires à chapeau sec, feutré ou laineux, de couleurs souvent vives, surtout au niveau des lames, nous trouvons :

 

Cortinarius semisanguineus (cortinaire semi­sanguin) : cette espèce a un chapeau banalement brun-­jaune mais ses lames sont d'un remarquable rouge sang sombre et chatoyant qui contraste avec la couleur du pied et du chapeau. Il pousse sous conifères, plus rarement sous feuillus. Ce champignon est très commun dans les lieux frais où il forme des colonies.

 

Cortinarius sanguineus (cortinaire sanguin) : il est la réplique du précédent avec les mêmes lames chatoyantes mais il est totalement rouge sang. Plus rare que l'espèce précédente, on le trouve sous feuillus et sous conifères.

 

Dans le sous-genre Sericeocybe qui rassemble des cortinaires à chapeau sec, fibrillo-soyeux, parfois méchulo-squamuleux, nous trouvons :

 

Cortinarius alboviolaceus (cortinaire blanc-violet) : on le reconnaît à son chapeau, pourvu au centre, d'un large mamelon obtus qui lui donne une silhouette en « casque anglais », de couleur bleu violacé, soyeux. Le pied est clavé (base en massue) et bleuâtre. Les lames sont lilacin grisâtre. II pousse sous feuillus où il peut être très commun.

 

Cortinarius anomalus (cortinaire anormal) : identifiable (parfois difficilement) à sa silhouette élancée, à son chapeau convexe, micacé (sa surface est sablée de minuscules grains brillants comme des grains de mica, ce qui donne un aspect de dépôt de bave d'escargot), brun argilacé. Le pied est long, blanchâtre, bleuté au sommet, plus ou moins nettement guirlandé de zones ochracé pâle ailleurs. Les lames sont violet lilacin puis lilas brunâtre. Il pousse sous feuillus et conifères. Espèce très commune.

 

Dans le sous-genre Telamonia qui rassemble des cortinaires hygrophanes (c'est-à-dire qui changent de couleur par dessiccation), nous avons :

 

Cortinarius torvus (cortinaire farouche, cortinaire à pied courbe) : ce cortinaire se reconnaît à son pied souvent courbé et gainé d'un épais voile membraneux « en chaussette » s'épanouissant en haut en une étroite collerette formant un faux anneau. Le chapeau est brun roussâtre et le sommet du pied violacé. Les lames sont espacées et épaisses. Il pousse sous feuillus où il est très commun.

 

Cortinarius armillatus (cortinaire à colliers) : cette espèce se reconnaît à son pied orné de plusieurs bracelets étagés de couleur rouge feu caractéristique. Ce cortinaire élancé a un chapeau roussâtre. Il pousse sous les bouleaux, dans les endroits humides où il est très commun.

 

Cortinarius hinnuleus (cortinaire couleur de faon) : se reconnaît à sa couleur brun-roux généralisée, à son chapeau rehaussé d'un mamelon plus ou moins élevé, à ses lames remarquablement espacées et larges, à la présence sur le pied d'un anneau blanc, laineux, presque médian et, enfin à son odeur désagréable terreuse, de moisi. Il pousse sous feuillus où il est très commun.

 

Cortinarius paleaceus (cortinaire pailleté) : est une petite espèce dont le chapeau mamelonné et gris bistre est ponctué de paillettes argentées. Le pied élancé, gris-­brun, est guirlande par des squames blanchâtres. Sa chair dégage une odeur typique de feuille froissée de géranium. Il pousse sous conifères où il est très commun. Son sosie, sans odeur, pousse sous les bouleaux. Il s'agit de Cortinarius hemitrichus (cortinaire à moitié poilu).

Le sous-genre Cortinarius se réduit à deux espèces dont une, Cortinarius violaceus (cortinaire violet) est une belle et grande espèce, d'une couleur violet sombre éclatant et généralisé. Le chapeau est pelucheux et le pied a un gros bulbe basal en massue. Ce cortinaire, bien caractérisé, pousse sous les feuillus où il est très commun.

 

Voilà, nous en resterons là avec les cortinaires identifiables. Leur nombre va probablement vous paraître dérisoirement réduit si on songe à la richesse du genre (souvenez-vous : 500 à 2500 espèces !). On aurait pu allonger la liste mais, ce faisant, on risque d'entrer dans le domaine des espèces critiques dont l'identification est plus aléatoire.

Au cours de ces propos sur les cortinaires. nous n'avons évidemment fait qu'effleurer l'énorme problème que ces champignons posent aux mycologues. Nous n'avons fait que quelques pas à l'entrée du labyrinthe qu'ils nous proposent. Mais si après ces entretiens, les cortinaires vous paraissent moins mystérieux et moins rébarbatifs, le moment que nous avons passé ensemble n'aura pas été inutile.

Dans ces articles. nous n'avons pas soulevé le problème de la comestibilité des cortinaires. Pour ne pas laisser les mycophages sur leur faim, nous allons rattraper cette omission en quelques mots : il n'y a pas, dans le genre cortinaire, de champignon de grande valeur culinaire. A l'opposé, il y a quelques espèces mortelles et beaucoup sont très suspectes. Il y a aussi, nous le savons, des risques importants de confusion entre les espèces. La conclusion coule de source. Ne mangez pas de cortinaires !

                                                                                                    Dr. Jean Prady